Peut-on manifester sans respecter la loi ?

par Geoffrey LOPES avec AFP
Publié le 20 septembre 2023 à 15h13

Source : Sujet TF1 Info

Un manifestant employant des moyens inhabituels, provocants, gênants, voire interdits, ne doit pas être sanctionné, si sa revendication mérite d'être exprimée.
Il doit néanmoins commettre son action sans violence ni dégradation.

"Sans liberté d’expression, nul ne peut revendiquer ses droits", affirme l’ONG Amnesty international sur son site. Le droit français légalise la manifestation depuis 1935. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en fait une liberté fondamentale depuis 1789. Attention, pour garder le droit de manifester en France, il faut néanmoins veiller à ne pas troubler l’ordre public. Les juges doivent souvent arbitrer entre ces deux principes parfois antinomiques. La Cour de cassation vient de leur tracer une voie à suivre.

Un groupe de manifestants, délogés du toit d’un bâtiment de sécurité sociale après avoir déployé une banderole critique, saisissent la plus haute juridiction française. L’action avait entraîné l’intervention de la police et la fermeture de la rue.

Devant le tribunal correctionnel, le parquet poursuit les manifestants pour trouble causé à l’ordre public et violation de domicile. Il leur reproche d’être monté sur le toit sans autorisation. Il prononce une amende ou un emprisonnement avec sursis à l’encontre de chacun.

La Cour de cassation annule tout

À partir du moment où ces manifestants invoquent leur droit à la liberté d’expression, le juge doit faire la balance entre ce droit fondamental et les éventuelles violations de la loi pour se faire entendre. Cette fois-ci, la Cour de cassation annule les sanctions prononcées contre les manifestants. "Sans violences ni dégradations, la condamnation pour cette infraction était une atteinte disproportionnée, même si l’opinion défendue pouvait éventuellement être exprimée autrement qu’en perturbant un service public", estiment les juges.

Néanmoins, la justice n’autorise pas toutes sortes d’actions au prétexte que les manifestants invoquent leur liberté d’expression. La Cour de cassation apporte une vision subjective. "Le juge ne peut absoudre les manifestants que si leur opinion lui semble suffisamment sérieuse, ce qui laisse une marge d’incertitude devant le risque de condamnation", ajoute la Cour.

En mars dernier, la Cour s’était opposée, selon cette jurisprudence, à la condamnation de manifestants qui avaient volé des portraits du président de la République dans des mairies. "Même s'il s'agit de délits, le préjudice était faible, l’action était non-violente, aucun bénéfice personnel n’en était attendu et la dignité du président n’en était pas atteinte", jugeait-elle. Enfin, la Cour reconnaissait à l’opinion défendue, liée au climat, la qualité de débat d’intérêt général.


Geoffrey LOPES avec AFP

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